UN FANTÔME SOUS LA DOUCHE
– Mamannnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn !
Je me réveille brusquement. Je réalise que c’est ma fille qui hurle mon nom à pleins poumons. Instantanément, je saute en bas du lit, j’agrippe ma lunette de vue posée sur ma table de chevet et je me précipite à la course vers elle. Arrivée dans le cadre de la porte de sa chambre, je l’aperçois assisse dans son lit, les cheveux tout ébouriffés. Pouvant lire la terreur dans ses yeux, je m’empresse de la prendre dans mes bras, question de la rassurer.

– Qu’est ce qui se passe ma cocotte ? Tu as fait un mauvais rêve ?
– Peur maman, moi peur. Le monsieur au chapeau veut manger Amy.
Ah non ! Pas encore lui. Je le croyais parti depuis des lustres.
– Il est où ? Je balais du regard l’espace qui nous entoure, je n’y vois rien.
– Parti en bas, me répond-elle de sa voix sanglotant.
– Bon d’accord, maman va s’en occuper plus tard. C’est terminé maintenant, je suis là.
Sur ces paroles réconfortantes, je choisis de me blottir à ses côtés le restant de la nuit.
Le lendemain matin, assise à la table de la cuisine, je sirote mon café. Les cheveux remontés en chignons sur le dessus de ma tête, les yeux encore bouffis par cette nuit, je fixe le vide. Perdue dans mes pensées, je me demande bien comment je vais arriver à entrer en communication avec ce M. au chapeau.
Il y a quelque temps déjà, ma fille Amy était remontée en vitesse grand V du sous-sol, effrayée d’avoir vu un monsieur caractérisé d’un chapeau. C’est à ce moment même, que j’ai vite compris que ma fille venait de voir un esprit. Pendant plusieurs mois, ma famille et moi avons cohabité avec ce M. au chapeau. Mais, étrangement, il m’était impossible d’entrer en contact avec cette âme. Quelque chose m’échappait, je ne savais pas quoi mais je trouvais cette situation vraiment contrariante. Je me devais de trouver une solution, et vite !
Cette présence loin d’être nocive, dérange grandement la quiétude d’Amy. Depuis que nous cohabitons avec M. au chapeau, elle refuse d’aller jouer seule au sous-sol, elle n’arrive plus à dormir dans sa chambre et elle évite toutes pièces sombres. Et moi qui n’arrive pas à jaser avec ce monsieur en question !
Sur ces réflexions matinales je décide d’aller sous la douche, question de me réveiller davantage. En tirant le rideau, c’est plus fort que moi je repense au « fantôme » en question. Et là, je me surprends à lui demander son nom.
– Qui es-tu étranger ? Comment t’appelles-tu ?
Et c’est à cet instant bien précis, hors de toutes attentes qu’il m’a répondu :
– Je suis Jean Chiasson !
– WHAT ?
OMG, je ne m’attendais TELLEMENT pas à recevoir une telle réponse. Encore moins sous la douche ! Une fois sortie, j’ai pris papier et crayon et transcris ce qu’il tentait de me révéler.

Franchement, ce n’était pas grand-chose, à part qu’il semblait complètement perdu. Je compose le numéro de ma mère. Après deux sonneries elle décroche.
– Salut fille ?
– Salut mère ! (on s’appelle comme ça des fois)
– Maman, est ce que ton grand-père Jean Chiasson portait un chapeau ?
– Oui, tout le temps. Pourquoi ?
– Et bien, imagine toi donc que c’est lui qui est chez moi.
– Hein ! Mon grand –père, mais pourquoi ?
– Je ne sais pas encore, c’est un peu nébuleux…comme s’il était resté figé dans le temps. Il m’a dit qu’il cherchait quelqu’un ?
– Humm, peut-être son fils.
– Son fils ? Répète-je de vive voix.
– Oui, je me rappelle qu’un de mes oncles est parti sans donner de nouvelles, et on ne l’a plus jamais revu… Je me souviens également que mon grand-père, Jean, a tenté maintes et maintes fois de le retrouver, mais n’y est jamais arrivé. J’imagine que cela doit être terrible, de ne plus jamais avoir de nouvelle de son propre fils.
– J’avoue. Et on ne sait pas pourquoi il est parti ? C’est quand même toute une histoire que tu me racontes là !
– Je sais, et malheureusement non, on n'a jamais su pourquoi.
– Ok, merci mom, maintenant je vais voir comment je peux l’aider.
Pas longtemps après la conversation avec ma mère, Jean, cet homme au chapeau qui cohabite avec nous depuis quelques mois, se pointe devant moi. Sans tarder, j’entame la conversation.
– Serait-il possible que tu sois à la recherche de ton fils ?
– Mon fils, oui c’est ça! L’as-tu vu ? me demande-t-il empreint d’espoir.
– Malheureusement non, mais je sais par contre que tu peux le retrouver.
– Ah oui ? me dit-il d’un air étonné.
– Oui, car tous les deux vous êtes maintenant du même côté… … tu n’as plus à le chercher sur la terre, il l’a quittée depuis un bout maintenant.
– Comment vais-je y arriver ?
– Je ne connais pas le chemin, mais je sais que ton cœur t’y guidera assurément.
Il me sourit et en baissant les yeux il ajoute.
– Penses-tu qu’il me pardonnera ?
– Je vous le souhaite sincèrement, maintenant va, il est temps de partir.
Il acquiesce, puis il me salue en levant son chapeau. Je lui souris gentiment, tout en lui souhaitant bonne route. Sa présence se dissipe tout doucement.
Ce soir-là, quand ma puce est revenue à la maison, la première chose qu’elle a faite, c’est de regarder dans le sous-sol. De sa voix chantante elle m’a lancé :
– Hey, maman le monsieur est parti !
– Oui ma puce, il est parti…
***
Et toi, as-tu déjà eu l’impression de cohabiter avec une présence ? Je sais que c’est parfois inconfortable, mais si je peux te rassurer un brin, c’est souvent une présence bienveillante qui tente simplement un contact. Tu n’es pas fou/folle non plus, saches qu’à tout moment tu peux lui communiquer ton désir qu’elle quitte ta demeure où qu’elle cesse de se manifester.
Fais-toi confiance.
Par Mélanie Hotte
La fille qui flirt avec l'autre monde